C’est également repris dans nos Constitutions au n° 59 et dans sa règle d’application, le n° 59 disant : « Nous donnons ce que nous avons. Nous savons qu’il est plus important de donner ce que nous sommes. C’est pourquoi, dans le respect du mystère des autres et de nous-mêmes, nous avons à cœur de partager nos connaissances humaines et professionnelles, nos bien culturels ou artistiques, nos découvertes spirituelles et surtout nos présences fraternelles. »
Il s’agit donc de consentir à mettre en commun et donner, non à partir d’une règle applicable à tous et toutes de la même manière, mais en discernant les besoins de chacun. Si S. Augustin mentionne les supérieur.e.s, je pense que c’est une manière de vivre qui concerne chacune : discerner et donner à mon frère, ma sœur, ce dont elle a besoin et ce, au-delà du matériel. Mais nous pouvons nous demander comment vivre cela ? Il me semble que l’Evangile nous indique le chemin : naître d’en-haut, naître du souffle de l’Esprit, croire au témoignage du Fils.
Au début du dialogue entre Jésus et Nicodème, Nicodème se place sur le terrain du « savoir » : « Rabbi, nous le savons, c’est de la part de Dieu que tu es venu comme un maître qui enseigne. » (v. 2). Jésus lui répond en déplaçant radicalement le positionnement. Ce à quoi nous sommes appelés n’est pas de connaître un savoir et d’en témoigner, notre part, c’est la foi : croire « au nom du Fils unique de Dieu », recevoir son témoignage, c’est-à-dire croire que tous, toutes, nous sommes aimés au plus profond du mystère de ce que nous sommes. Et « croire », c’est choisir d’entrer dans une nouvelle manière d’être et de vivre : naître d’en haut, naître du souffle de l’Esprit (v. 7-8).
Il me semble que naître d’en haut, naître du souffle de l’Esprit, c’est naître de l’intérieur, à partir de ce qui nous est le plus intime, le plus personnel. Il s’agit de nous mettre à l’écoute de l’Esprit de vie en nous, c’est-à-dire discerner ce qui, en nous, est du côté de la vie, de la lumière et du don. Cette naissance-là, nous appelle à une certaine manière de vivre pour pouvoir « entendre » ce qui se dit au plus profond de nous. Ce chemin passe par la prière, des temps et des espaces de silence, la relecture, le consentement au combat spirituel. Ce chemin personnel nous apprendra à également voir d’en-haut celles qui nous entourent pour tendre à tout mettre en commun et donner à chacune selon ses besoins. Et nous sommes là, je crois dans la ligne du point de notre charisme qu’est le « témoignage à la vérité ».
« Témoigner à la vérité » ne peut que signifier accueillir et vivre du témoignage de Jésus en chacune de nos vies, dans nos Communautés puis envers toute personne rencontrée. Pendant le chemin communautaire de Carême, nous disions que le témoignage à la vérité n’a pas seulement pour objet les personnes rencontrées à l’extérieur de notre Congrégation, mais aussi envers toute sœur avec laquelle je vis. Cela commence donc dès que nous sortons de notre chambre. C’est également la dynamique profonde d’un article de nos Constitutions sur la Vie apostolique. Voici ce que nous écrivons à l’art. 87 sur la vie apostolique à l’intérieur de la Communauté. Nous sommes appelées à :
- « favoriser, par notre exemple, nos paroles et nos actes, la réponse personnelle de chaque sœur à sa vocation ; »
- « créer et maintenir un climat de "compagnonnage" (…) portant mutuellement nos peines et partageant fraternellement nos découvertes et nos joies ; »
- « vivre en état de solidarité communautaire, dans le respect des personnes et des charismes propres à chacune. »
Naître d’en-haut, naître du souffle de l’Esprit : le seul chemin pour donner et recevoir à chacune en fonction de ses besoins matériels, humains, spirituels, le seul chemin pour vivre entre nous d’abord « dans une charité fraternelle attentive à toute misère, à toute solitude, à toute souffrance ».
Sr Claire-Isabelle, 9 avril 2024