Cette mission est confiée par Jésus. Je vous propose de nous arrêter tout d’abord sur Lui qui confie sa communauté à Pierre. Nous pouvons faire remonter en nous tout ce que nous avons entendu ces dernières semaines dans les chapitres 14 à 17. Ainsi à deux reprises ces derniers jours, nous avons entendu Jésus dire au Père : « Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. » (Jn 17, 4), « je leur ai donné les paroles que tu m’avais données » (Jn 17, 8), « ils ont cru que tu m’avais envoyé… » (Jn 17, 8). Jésus reçoit tout du Père et est envoyé.
Cette mission est confiée par Jésus à Pierre. La dernière parole de Pierre à Jésus, c’est cette affirmation pleine de certitude : « Je donnerai ma vie pour toi. » (Jn 13, 37) Quelques heures plus tard, Pierre va renier. Nous le retrouvons donc, dans ce passage, face à Jésus, face à Celui qu’il a renié. Pierre a été confronté avec la fragilité de ses forces, il sait sa pauvreté. Après la résurrection, Pierre ose se tenir là, debout face à Jésus, disant en toute vérité : « Tu sais que je t’aime… ». C’est à cet homme-là que Jésus confie la communauté, à lui tel qu’il est, avec cette faille en lui.
Maintenant, leur dialogue : que se disent-ils ? A trois reprises, Jésus demande à Pierre s’il l’aime. Si en français, nous n’avons qu’un mot pour exprimer diverses manières d’aimer, le grec est plus riche. Ainsi, les deux premières fois que Jésus s’adresse à Pierre, Il emploie le verbe « agapaô » qui renvoie à un amour total et inconditionnel. Or Pierre, lui, répond par un autre verbe – « phileo » qui exprime l’amour d’amitié. Après son expérience douloureuse du reniement, Pierre a conscience de sa fragilité. Il aime Jésus, mais il sait que cela reste un amour marqué par la fragilité. La troisième fois alors, Jésus reprend la même question, mais cette fois en employant le même verbe que Pierre. Jésus rejoint Pierre là où il en est et l’envoie en l’appelant à Le suivre. Jésus ne cessera d’être là avec Pierre, sera pour lui la force et le chemin. Pierre reçoit tout de Jésus et est envoyé.
Un dernier point sur ce que cela dit de cette mission particulière qu'est conduire une communauté. Jésus se reçoit du Père, Il est envoyé. Il est le Serviteur qui lave les pieds de chacun d’entre nous en signe de son Amour jusqu’à l’extrême, de sa vie donnée. C’est la communauté de ce Seigneur que Pierre est appelé à conduire. S’il reçoit une mission particulière, il n’en demeure pas moins un membre de la communauté parmi les autres, communauté où chaque disciple a reçu l’Esprit et est envoyé.
Finalement, la mission de Pierre est de servir et d’aimer comme lui-même a été aimé jusqu’au cœur même de son reniement. Relevé, Pierre est prêt à étendre les mains pour qu’un Autre lui mette sa ceinture. Appelé à marcher à la suite du Christ et envoyé en mission à la tête de la communauté, Pierre va suivre Jésus et, alors oui, il donnera sa vie pour son Maître.
Quand nous sommes troublées ou découragées par les annonces successives d’abus dans l’Eglise, il est bon de revenir à ces derniers chapitres de l’Evangile de Jean et à ce texte qui nous donne des clés pour relire un tel ministère. Ce passage contient une bonne nouvelle :
Pierre croyait en ses forces, il était sûr de lui. Avant le reniement, il affirmait haut et fort qu’il allait donner sa vie pour Jésus. Il en était sûr. Ce n’est pas à ce moment-là qu’il est envoyé prendre soin des brebis et des agneaux de Jésus, mais bien après avoir été relevé par l’Amour du Maître. Sans céder au découragement qui enferme, Pierre est debout, il se sait pauvre, fragile, aimé et sauvé. Désormais cet Amour est au plus intime de lui et c’est là la source et le cœur de sa mission et de celle de tout pasteur : en tout aimer et servir le Serviteur des serviteurs et ses disciples-missionnaires.
Sr Claire-Isabelle Siegrist